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Organisation Apprenante et Knowledge Management

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Apprenance et knowledge management : vers une nouvelle culture d’apprentissage ?

Qu’est-ce que l’apprenance?

L’ »apprenance », néologisme barbare, c’est la disposition consciente à apprendre tout au long de sa vie. Une « attitude dynamique consciente à traiter des situations complexes ». C’est une traduction approximative de « learning », qui dépasse de loin la notion d’apprentissage. L’apprentissage fait appel à la capacité cérébrale, à la mémoire, alors que l’apprenance est une posture pour bâitir le futur : il s’agit de vouloir, de savoir et de pouvoir apprendre.

La capacité d’apprendre est très difficile à transmettre. Il faut des stimuli: curiosité, esprit critique, respect de l’autre, expériences, valeurs, réflexes… Le lien avec les autres est toujours au centre. Dans tout processus d’apprentissage, la communauté des pairs joue un rôle central

Apprenance individuelle

Le parcours d’apprentissage, c’est ce qui permet de passer des données à l’information, de l’information à la connaissance, et enfin de la connaissance à la compétence. C’est pourquoi on doit proposer un aller-retour entre l’expérience et la formation. Il faut mettre les apprenants dans l’inconfort. Le stimulus de l’inconfort, c’est l’erreur, et l’inconfort engendre une demande de correction. Mettre en situation d’apprendre, c’est d’abord susciter la curiosité, le questionnement, et le discernement.

L’illettrisme, c’est l’incapacité à distinguer le vrai du faux. Mais comme déterminer ce qui est vrai demande beaucoup de travail et beaucoup d’interactions, il arrive qu’on préfère se limiter à la distinction entre le bien et le mal, ce qui est plus instinctif et plus facile. C’est un des grands dangers de la société actuelle.

Apprenance collective

L’apprenance collective se fonde sur la notion de communauté et de fidélisation: une équipe, une classe, une communauté de praticiens… Elle impose un contact avec la réalité, comme toucher les verres de lunettes et aller voir ce qui se passe dans les usines chez EssilorLuxottica. Elle impose aussi de poser des questions (« à ton avis… ? ) qui doivent susciter des réponses

Apprenance  organisationnelle

Une organisation apprenante n’est pas une somme d’apprentissages individuels. Une organisation n’apprend que si elle propose un projet et un chemin commun, auquel tous ses membres adhèrent. Cela impose beaucoup de créativité et de capacité à mettre l’organisation en mouvement. L’apprentissage résulte alors d’une perception partagée d’un écart entre le chemin proposé et la réalité, et d’une volonté partagée de réduire cet écart. On retrouve cette idée dans les modes d’apprentissage en simple boucle (rectifier un processus établi pour obtenir de meilleurs résultats) et en double boucle (repenser les valeurs et remettre en question les processus)

Les « pas en arrière » qui affectent la capacité d’une organisation à apprendre sont

  • le raisonnement exclusivement financier, qui focalise l’attention sur la productivité et la « simple boucle »
  • la bureaucratie, qui met l’accent sur le contrôle et qui transforme les employés en maillons d’une chaîne sur laquelle ils n’ont aucun pouvoir
  • la toxicité qui détruit la confiance : les «cadavres dans les placards, le harcèlement, le mal-être…

Les grands changements actuels

L’accélération

Il s’agit de l’accélération de l’obsolescence des connaissances, qui se traduit par un besoin d’accélérer l’apprentissage.

Et si en plus de ce phénomène d’accélération, on ajoute la question du renouvellement des générations et de la mobilité croissante des collaborateurs, qui ne restent plus à leur poste que quelques années et changent plus facilement d’employeur, la question de la transmission des connaissances devient un enjeu stratégique majeur pour la plupart des organisations.

L’intelligence artificielle

L’IA engendre une véritable révolution pédagogique. Avant l’IA, on faisait appel à des pédagogues ou à des experts pour enseigner et accompagner les apprenants. Depuis l’apparition de l’IA générative, on peut plus facilement laisser l’apprenant se débrouiller avec ses bases de connaissances et ses « coachs virtuels » , mais on doit l’obliger régulièrement à reprendre contact avec la réalité en le mettant en relation avec d’autres apprenants, via des mises en situation concrète avec un problème à résoudre, et en l’orientant par des questions et des réponses.

Le développement de l’IA engendre une démocratisation de la pédagogie. Les formats pédagogiques sont plus riches. On passe du cours magistral à la conversation pédagogique y compris dans le travail.  La réalité virtuelle permet d’élaborer des contenus transmissifs de mise en situation. On peut aussi grâce à l’IA détecter plus facilement des besoins de formation… Ainsi tout le monde peut devenir pédagogue. Le « coach virtuel » peut personnaliser la formation, accompagner pendant les cours, générer des plans de révisions, des QCM…

Il y a cependant un danger avec l’IA lorsqu’elle devient ordinaire, à savoir  l’illusion qu’elle peut donner qu’on maîtrise un domaine en entretenant une confusion entre information et connaissance. Chat GPT est un outil utile pour ceux qui maîtrise leur sujet, car ils sont en mesure de critiquer et amender les réponses à leur requête. Mais c’est un outil extrêmement dangereux pour ceux qui ne maîtrisent pas leur sujet, car il peut leur donner  l’illusion qu’ils le maîtrisent. Le danger réside dans l’autonomisation des plateformes qui au bout du compte décident par elles-mêmes et dont  les utilisateurs deviennent incapables de challenger la véracité des productions.

Idées fortes de la conférence

L’organisation apprenante est fondées sur une hybridation de l’apprenance individuelle et collective. Plus on fait appel à l’IA, plus on a besoin de l’équilibrer par des interactions physiques et affectives entre personnes

Ainsi la dynamique des communautés est centrale dans l’apprenance collective. Non seulement une communauté crée un contexte favorable au partage d’expériences et à l’apprentissage, mais elle crée des liens entre ses membres. L’importance de ces liens interpersonnels est souvent sous-estimée par les grandes organisations qui préfèrent « diviser pour régner » en mettant l’accent sur la performance individuelle et sur le contrat dans le cadre de processus de travail plus ou moins figés. La tentation est alors de reproduire chez les travailleurs du savoir la même logique fordienne de division du travail qui prévaut dans les usines. Mais alors on n’apprend plus. En cas d’échec, on recherche le coupable et on le punit. S’il cherche à se justifier, on répond alors « je ne veux pas le savoir ». CQFD.


DATE: Déc 11, 2024
AUTHOR: MartinRD

KM et IA Générative: quelles relations?

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KM et IA Générative: quelles relations?

Contexte de l’étude

La question de la création de valeur par le KM reste posée en permanence. Il y a d’un côté les financiers, qui raisonnent « retour sur investissement » (RoI), et qui pensent contrôle et indicateurs chiffrés. Et de l’autre, il y a les sociologues, qui soulignent l’importance de la collaboration ouverte, du partage de connaissances, de l’intelligence collective et de l’apprentissage en continu, dont on peut constater l’efficacité sur le long terme, mais qu’on ne peut pas prévoir, et qu’on ne mesure donc pas le progrès jour après jour. Malgré plus de vingt ans d’existence du KM, les deux courants de pensée sont encore difficiles à réconcilier, alors qu’ils sont tous les deux légitimes.

L’arrivée de l’IA et en particulier l’IA générative (IA Gen) exacerbe le débat en raison des investissements qu’elle engendre. Les financiers exigent que les applications d’IA prouvent a priori leur valeur par le gain de temps qu’elles permettront, alors que les sociologues continuent de mettre l’accent sur leur rôle dans la transmission des connaissances et l’apprentissage (EdTech).

Un groupe de travail CoP-1 s’est réuni à plusieurs reprises pour tenter de mieux comprendre les cas d’usage de l’IA Gen dans nos organisations et de les relier aux actions KM menés actuellement par les membres de la communauté. Il est apparu assez vite que nous en sommes encore au tout début de l’aventure. Les premiers résultats des « proof of concept » de l’IA Gen peinent à prouver leur RoI auprès des contrôleurs de gestion. Aussi, beaucoup de ces premières applications se sont recentrées sur les assistants pour gagner en productivité personnelle (par exemple CoPilot de Microsoft) et dans une moindre mesure sur l’EdTech pour mieux apprendre et mieux transmettre.

Les technologies d’IA Gen

Très vite on a compris qu’il fallait entrer dans le détail des technologies mises en œuvre dans l’IA Gen : transformeurs génératifs pré-entraînés​, RAG​, Prompt Engineering​… Ainsi, on pouvait mieux comprendre que l’IA Générative est certes une technologie très puissante, mais que son efficacité varie selon les cas d’usage. Elle est particulièrement efficace pour créer des interfaces conversationnelles (exemple : chatbots), ou pour générer des contenus de synthèse (exemples : données synthétiques, génération d’images et de vidéos).​ Elle l’est moins en tant qu’outil d’aide à la décision ou en tant que système de recommandation (exemple : support décisionnel, personnalisation des services), car elle présuppose que l’utilisateur connait le sujet.​ Et elle est peu efficace en prédiction et prévision (exemple : prévision des risques, des ventes, de la demande), car, étant de nature probabiliste et fondé sur les chiffres, elle n’interprète pas les données qu’elle consomme.

Les approches d’adoption

Les différentes approches de développement d’applications d’IA Gen ont été analysées, depuis la simple consommation d’applications sur étagère commercialisées par licence d’utilisation jusqu’à la création ex nihilo de nouveaux modèles de langage entièrement personnalisés aux données et domaines d’activité de l’organisation, en passant par les approches hybrides consistant à personnaliser des modèles existants pré-entraînés avec de nouvelles données pour intégrer des connaissances supplémentaires sur le domaine ou améliorer les performances sur des tâches spécifiques.

Exemples de cas d’usage

Ci-après un tableau de cas d’usages réels, évoqués par les membres du groupe. a chaque fois, on a tenté de les relier à des activités KM

  Exemple de cas d’usageOrganisation citée
Activités KMTransmission des connaissancesDiagnostic d’interactions entre compléments alimentaires, médicaments, plantes… : précautions d’emploi, posologies etc.ANFPPP
Diagnostic du contenu d’un nouveau projet, évaluation de sa qualité, et rapprochement avec d’autres projets comparablesAFD
Assistance à la création de modules e-learningFramatome
Aide personnalisée aux activités de révision de coursSKEMA
Conception de cursus personnalisé d’apprentissage et de formationANFPPP
QCM automatiséANFPPP
Partage du savoirDesign Thinking et Idéation : l’IA Gen sert à aider un groupe à réfléchir en lui rappelant ce qui existe déjàSKEMA
ExplicitationCartographie des ODD (Objectifs de Développement Durable) de plus de 230 banques et analyse des efforts et des cohérences des différentes stratégies adoptées.AFD
Cartographie des connaissances : génération de mots clés à partir de CR d’interviews d’experts et proposition d’usage en indexationFramatome
CR de réunion automatique avec actions décidées et responsablesAmallte
CapitalisationUtilisation du modèle de langage Mistral pour les activités de recherche / apprentissage sur des domaines spécifiquesAriane Group
DiffusionRAG : Moteur de recherche de type Question/Réponse incluant des synthèses, des traductions, des rédactions de mail…Framatome
Gouvernance  
Leviers KMPersonnel / CultureSynthèse des retours utilisateurs de CoPilotFramatome
Gestion des contenusAide au classement des contenus, génération de métadonnées, de taxonomies, d’ontologies..Framatome
ProcessusSynthèse automatique de retours d’expérience de projets passés, à intégrer dans le processus de gestion de projetFramatome
Technologie(IA Gen, bien sûr) 
GouvernanceCohérence et qualité des données d’apprentissageTous

On voit que, si on exclut les comptes-rendus automatisés de réunions de travail qui sont probablement une des premières applications de productivité de l’IA Gen, la plupart des applications d’IA Gen citées se concentrent sur l’individu plutôt que sur le collectif, et sur l’apprentissage et sur la diffusion plutôt que sur la décision.

Responsabilités nouvelles pour les Knowledge Managers ?

Le groupe de travail a conclu de son analyse que les responsables KM auront indubitablement un rôle central pour assurer la qualité des applications d’IA Gen, car si l’IA Gen apportera une aide considérable pour :

  • améliorer la structuration et la qualité des contenus de connaissance,
  • faciliter la recherche et la récupération de savoirs existants,
  • automatiser la capitalisation des connaissances des experts,​
  • proposer des parcours d’apprentissage personnalisés.

elle suscitera aussi de nouveaux sujets de gouvernance pour assurer un contrôle permanent de la qualité des données d’entrée et des connaissances générées par l’IA Gen.​ Et gérer les risques liés à l’utilisation de l’IAG, tout particulièrement lorsque les utilisateurs ne maîtrisent pas le sujet.​

De nouvelles politiques et procédures seront donc nécessaires pour guider l’utilisation de l’IA Gen pour la gestion des connaissances. Il faudra notamment s’assurer que la production d’objets de connaissance sera validée par des facilitateurs rompus aux méthodes de REX et de production de « bonnes pratiques », et que les producteurs de savoir seront formés aux bonnes pratiques de rédaction et de classification.

Les responsables de bases de connaissances devront, encore plus que par le passé :

  • retirer les doublons et les documents obsolètes : nettoyage du vrac numérique, archivage de certains docs, destruction d’autres​
  • revoir les droits d’accès pour ouvrir par défaut, et ne restreindre que ce qui est nécessaire de protéger​

Et les responsables KM devront savoir :

  • normaliser le vocabulaire, les conventions de nommage des fichiers, l’ontologie​
  • mettre en place des processus de mise à jour du contenu au fil de l’eau : via les communautés, les équipes projet, etc.​
  • publier des règles et des bonnes pratiques à destination des knowledge workers et des knowledge owners ​
  • utiliser eux-mêmes l’IA Gen. pour aider à l’indexation des documents sur des plans de classement normalisés.

DATE: Sep 30, 2024
AUTHOR: MartinRD
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Comment créer et faire vivre une Base de Connaissances

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Comment créer et faire vivre une Base de Connaissances

Cet article a été rédigé par des membres de l’association CoP-1 à la suite de travaux internes à l’association

Qu’est-ce qu’une base de connaissances ?

Une base de connaissances est un ensemble de contenus numériques véhiculant un savoir métier, mis à disposition d’une communauté identifiée d’utilisateurs. L’accès à cette base est libre pour eux dans la mesure où ils contribuent à la co-construire en tant que bien commun.

Les contenus les plus courants d’une base de connaissances, sont, d’après l’APQC

  • Des standards
  • Des méthodes
  • Des bonnes pratiques
  • Des annuaires
  • Des suggestions

Les formats de ces contenus définissent souvent la plate-forme numérique utilisée pour les stocker et les mettre à disposition des utilisateurs.

Quels bénéfices peut-on en attendre ?

Le bénéfice principal d’une base de connaissances est d’abord une capacité donnée à ses utilisateurs de réutiliser un savoir existant pour se former, pour vérifier la pertinence d’une décision à prendre, et pour bâtir des nouvelles connaissances à partir d’un patrimoine partagé de connaissances existantes. Mais une base de connaissances bien faite est aussi une œuvre qui a de la valeur en soi pour une communauté élargie, et qui peut parfois devenir une offre commerciale. 

Trucs et astuces pour réussir le lancement d’une nouvelle base de connaissances

Partir d’un terrain vierge

Lorsqu’on veut créer une nouvelle base de connaissances, il faut d’abord et impérativement s’assurer qu’elle n’existe pas déjà en ligne sous une forme ou une autre. Il faut partir d’un terrain vierge sinon sur le contenu, au moins sur le format et la structure.  

Disposer d’un contenu de départ

Il faut aussi disposer d’un produit d’appel, un contenu suffisamment attractif en soi pour la communauté que l’on cible. Il s’agit le plus souvent du recyclage de contenus épars provenant de plusieurs sources mais de même nature et de même structure. Il peut s’agir par exemple d’un thésaurus de termes, d’acronymes ou de définitions utilisés par l’organisation et dont la mise en ligne a de la valeur en soi et amènera les membres de la communauté ciblée à revenir visiter la base.

Connaître l’audience cible et ses cas d’usage

Les meilleures bases de connaissances s’adressent à une communauté d’utilisateurs impliqués dans des activités semblables, et qui vont faire appel à la base de connaissances dans les mêmes cas d’usage : pour répondre à une demande d’un client, pour cadrer un projet, ou pour résoudre un problème technique. Disposer d’un « focus group » d’utilisateurs qui vont aider le propriétaire de la base de connaissances à collecter et structurer des contenus pertinents peut se révéler nécessaire.

Mesurer l’impact et réitérer

Pour justifier l’investissement que constitue la création d’une nouvelle base de connaissances, il faut montrer qu’elle est utilisée et qu’elle crée de la valeur. Il faut donc dès le début mettre en place des métriques d’usage tant sur la consultation que sur la création de contenus nouveaux, recueillir des commentaires sur la valeur créée à travers de bonnes histoires de réutilisation des contenus qui fait gagner du temps ou évite des erreurs, et enfin enquêter régulièrement sur la valeur perçue par les utilisateurs.  

Communiquer

Une fois sur les rails, la base de connaissances doit être promue à travers des publications internes sur l’intranet, des ateliers de découverte et des témoignages d’utilisateurs. A cet égard, la voie royale consiste à valoriser l’usage de la base de connaissances par des personnes bien en vue dans l’organisation, et en premier lieu ses dirigeants. L’exemplarité des chefs est toujours la meilleure approche de management du changement.

Valoriser les contributeurs 

La base de connaissances étant un bien commun accessible gratuitement, il est essentiel de reconnaître, voire de récompenser, ceux qui contribuent à la bâtir, en soulignant l’importance de la réputation des contributeurs, qui peut être vue comme une “monnaie virtuelle”. Ne pas le faire revient à n’accorder aucune valeur aux contenus créés, à démotiver les contributeurs et à encourager les « passagers clandestins » à tirer tout le bénéfice de la base de connaissances sans rien faire. 

Les principes de gestion des biens communs s’appliquent toujours aux bases de connaissances : elles sont gouvernées par des règles d’accès et d’usage qui doivent avantager ceux qui ont investi pour sa création, quitte à faire payer certains utilisateurs passifs. Il est donc très important de conserver a minima un livre de bord de toutes les contributions avec le nom des contributeurs.

Quelle gouvernance ?

L’analogie avec l’industrie des médias aide à définir les différents rôles à remplir pour faire vivre une base de connaissances. 

Le premier rôle est évidemment celui du « propriétaire » de la base, que l’on peut assimiler au rédacteur-en-chef d’un journal. Il faut en effet qu’une personne soit chargée de définir et de faire respecter une politique éditoriale, car une base de connaissances livrée à elle-même dérive toujours vers la déstructuration.

Un deuxième rôle est celui de « référent », qu’on peut assimiler à la responsabilité d’une rubrique particulière dans un média. Les référents sont des personnes qui ont une certaine expertise dans un domaine particulier et qui veillent à la qualité des contenus publiés dans la base de connaissances et relevant de leur domaine. Ils revoient les nouvelles contributions, les modifient au besoin, et leur associent les métadonnées qui leurs paraissent pertinentes.

Un troisième rôle est celui de créateur de contenu, qu’on peut assimiler à celui de journaliste. Les créateurs publient des contenus dans la base de connaissances en respectant au mieux la politique éditoriale. Ce faisant, ils en transfèrent la propriété au propriétaire de la base, qui dans certains cas peut être amené à refuser de publier ce contenu, et plus tard à l’archiver.  

Un quatrième rôle est celui de l’expert, qu’il faut distinguer de celui de référent. Le référent reçoit par délégation du propriétaire de la base d’altérer un contenu pour le rendre publiable. L’expert est celui que le référent peut contacter au besoin pour obtenir son avis sur un contenu avant publication. 

Un cinquième rôle est celui de l’administrateur de la base de connaissances, dont la mission est de faire évoluer l’interface utilisateur et la structure interne afin qu’elles répondent toujours mieux aux cas d’usage de la communauté des utilisateurs.

Enfin un sixième rôle, sans doute le plus important, est celui de l’animateur de la communauté des contributeurs et utilisateurs de la base de connaissances. Le rôle de l’animateur est de susciter l’engagement des membres de cette communauté à faire vivre la base de connaissances. C’est le métier de « community manager », consistant à mettre en place les rituels (nouvelles, rencontres, événements…) qui rassemblent les membres de la communauté et suscitent des contributions.

Certains de ces différents rôles peuvent être, au moins au début, cumulés sur une ou deux personnes, mais il est souhaitable de les répartir au plus vite sur les membres d’un « groupe cœur » (core group) cumulant la plupart de ces rôles, à l’exception peut-être de celui des experts, qui appartiennent à un deuxième cercle de contributeurs.

La charte de mise en œuvre et d’utilisation de la base de connaissances doit clairement faire apparaître ces différents rôles. Elle doit être mise à disposition de tous les utilisateurs de la base, et ils doivent y adhérer. 

Quels outils ?

Toute base de connaissances moderne est hébergée sur une plateforme numérique, qui joue le rôle d’intermédiaire qui rassemble les utilisateurs et facilite leurs échanges. Le but est d’activer l’effet de réseau: plus il y a de contributeurs, plus la plateforme attire des demandeurs, et réciproquement.

Une bonne pratique consiste à choisir une plateforme d’hébergement de la base de connaissances qui soit adaptée au contenu prévu, à sa structure interne et à ses métadonnées, mais aussi aux différents rôles mentionnés plus haut. Il faut en effet pouvoir automatiser le mieux possible les activités quotidiennes de gouvernance de la base de connaissances, car il devient assez rapidement illusoire de vouloir le faire au moyen de réunions de travail et d’e-mails. Il faut donc éviter la tentation du « couteau suisse », qui fait en principe tout, mais rien très bien.

L’outil choisi doit être ergonomique pour la communauté des utilisateurs. Il doit en particulier fournir des modèles de saisie (templates) et permettre une recherche facile des contenus hébergés via un moteur de recherche intégré, des graphes, voire des chatbots. 

Une bonne pratique consiste à choisir des outils qui reproduisent l’expérience utilisateur familière des outils du web (Wikipedia, YouTube, Github, Stackexchange…) ou qui seront considérés par les utilisateurs comme des standards de fait qu’il est bon de savoir utiliser (Sharepoint, Notion…). Le développement d’outils et d’interfaces utilisateurs spécifiques sont à réserver à des cas particuliers, quand il n’y a pas moyen de faire autrement. 

Quelles métriques ? 

Comme indiqué plus haut, il faut mettre en place dès le début des métriques qui vont permettre de justifier la valeur de la base de connaissances face aux contrôleurs de gestion de l’organisation. Ce n’est pas évident car une base de connaissances ne se justifie pas seulement par les gains de productivité qu’elle engendre, mais aussi par les erreurs qu’elle permet d’éviter (limitation des risques) et par sa contribution à susciter un plus grand engagement des collaborateurs de l’organisation. 

Les métriques les plus simples à obtenir sont des métriques d’adoption : nombre d’utilisateurs, de contributions, de recherches, de téléchargements…

On peut en dériver des métriques de productivité en demandant aux utilisateurs d’évaluer le temps gagné à réutiliser des contenus existants. On valorise alors le temps gagné que l’on compare aux coûts de développement et d’entretien de la base de connaissances et aux coûts (temps passé) associés aux contributions, pour obtenir un retour sur investissement. 

On peut aussi mener des enquêtes régulières auprès des utilisateurs et mesurer leur engagement en mettant l’accent sur la valeur perçue de l’accès à cette base de connaissances et de son utilité pour le travail au quotidien.

On peut enfin recueillir des témoignages concrets de succès remportés grâce à l’obtention rapide de connaissances hébergés dans la base.

Il faut souligner l’importance vitale de ces métriques. En effet, le développement d’une base de connaissances de grande valeur est un projet de long terme et souvent coûteux. Sans métriques convaincantes, la tentation de réduire les budgets est permanente. La seule solution pour la maintenir en vie est alors de la transformer en offre commerciale ou en service payant.  

Conclusion : Facteurs-clés de succès d’une base de connaissances

 1 ) Ciblage

  • Cibler l’audience et les cas d’usage
  • Eviter toute concurrence frontale avec une base de connaissances existante
  • Décider d’emblée s’il s’agit de contenus officiels ou de contenus « employee to employee »
  • Avoir une ligne éditoriale claire pour lutter contre l’entropie et le bruit

 2 ) Structuration des contenus

  • Normaliser la structure des contenus
  • Utiliser un modèle standard de classement de contenus (taxonomies, tags, mots-clés…)
  • Rendre la base de connaissances utilisable par des humains et par des machines. Si possible la faire indexer par un moteur de recherche

 3 ) Gouvernance

  • Distribuer les différents rôles-clé dès le début
  • Animer la communauté des utilisateurs 
  • Mettre en place un cycle de vie des contenus – notamment archivage

 4 ) Alliances

  • Obtenir l’implication du management (exemplarité)
  • Disposer de soutiens forts dans l’équipe systèmes d’information.

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DATE: Oct 16, 2023
AUTHOR: Martin ROULLEAUX DUGAGE
Comments: 1

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DATE: Sep 17, 2016
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Contes de connaissance
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DATE: Juin 18, 2016
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DATE: Fév 4, 2016
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