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2024

KM et IA Générative: quelles relations?

Publications

KM et IA Générative: quelles relations?

Contexte de l’étude

La question de la création de valeur par le KM reste posée en permanence. Il y a d’un côté les financiers, qui raisonnent « retour sur investissement » (RoI), et qui pensent contrôle et indicateurs chiffrés. Et de l’autre, il y a les sociologues, qui soulignent l’importance de la collaboration ouverte, du partage de connaissances, de l’intelligence collective et de l’apprentissage en continu, dont on peut constater l’efficacité sur le long terme, mais qu’on ne peut pas prévoir, et qu’on ne mesure donc pas le progrès jour après jour. Malgré plus de vingt ans d’existence du KM, les deux courants de pensée sont encore difficiles à réconcilier, alors qu’ils sont tous les deux légitimes.

L’arrivée de l’IA et en particulier l’IA générative (IA Gen) exacerbe le débat en raison des investissements qu’elle engendre. Les financiers exigent que les applications d’IA prouvent a priori leur valeur par le gain de temps qu’elles permettront, alors que les sociologues continuent de mettre l’accent sur leur rôle dans la transmission des connaissances et l’apprentissage (EdTech).

Un groupe de travail CoP-1 s’est réuni à plusieurs reprises pour tenter de mieux comprendre les cas d’usage de l’IA Gen dans nos organisations et de les relier aux actions KM menés actuellement par les membres de la communauté. Il est apparu assez vite que nous en sommes encore au tout début de l’aventure. Les premiers résultats des « proof of concept » de l’IA Gen peinent à prouver leur RoI auprès des contrôleurs de gestion. Aussi, beaucoup de ces premières applications se sont recentrées sur les assistants pour gagner en productivité personnelle (par exemple CoPilot de Microsoft) et dans une moindre mesure sur l’EdTech pour mieux apprendre et mieux transmettre.

Les technologies d’IA Gen

Très vite on a compris qu’il fallait entrer dans le détail des technologies mises en œuvre dans l’IA Gen : transformeurs génératifs pré-entraînés​, RAG​, Prompt Engineering​… Ainsi, on pouvait mieux comprendre que l’IA Générative est certes une technologie très puissante, mais que son efficacité varie selon les cas d’usage. Elle est particulièrement efficace pour créer des interfaces conversationnelles (exemple : chatbots), ou pour générer des contenus de synthèse (exemples : données synthétiques, génération d’images et de vidéos).​ Elle l’est moins en tant qu’outil d’aide à la décision ou en tant que système de recommandation (exemple : support décisionnel, personnalisation des services), car elle présuppose que l’utilisateur connait le sujet.​ Et elle est peu efficace en prédiction et prévision (exemple : prévision des risques, des ventes, de la demande), car, étant de nature probabiliste et fondé sur les chiffres, elle n’interprète pas les données qu’elle consomme.

Les approches d’adoption

Les différentes approches de développement d’applications d’IA Gen ont été analysées, depuis la simple consommation d’applications sur étagère commercialisées par licence d’utilisation jusqu’à la création ex nihilo de nouveaux modèles de langage entièrement personnalisés aux données et domaines d’activité de l’organisation, en passant par les approches hybrides consistant à personnaliser des modèles existants pré-entraînés avec de nouvelles données pour intégrer des connaissances supplémentaires sur le domaine ou améliorer les performances sur des tâches spécifiques.

Exemples de cas d’usage

Ci-après un tableau de cas d’usages réels, évoqués par les membres du groupe. a chaque fois, on a tenté de les relier à des activités KM

  Exemple de cas d’usageOrganisation citée
Activités KMTransmission des connaissancesDiagnostic d’interactions entre compléments alimentaires, médicaments, plantes… : précautions d’emploi, posologies etc.ANFPPP
Diagnostic du contenu d’un nouveau projet, évaluation de sa qualité, et rapprochement avec d’autres projets comparablesAFD
Assistance à la création de modules e-learningFramatome
Aide personnalisée aux activités de révision de coursSKEMA
Conception de cursus personnalisé d’apprentissage et de formationANFPPP
QCM automatiséANFPPP
Partage du savoirDesign Thinking et Idéation : l’IA Gen sert à aider un groupe à réfléchir en lui rappelant ce qui existe déjàSKEMA
ExplicitationCartographie des ODD (Objectifs de Développement Durable) de plus de 230 banques et analyse des efforts et des cohérences des différentes stratégies adoptées.AFD
Cartographie des connaissances : génération de mots clés à partir de CR d’interviews d’experts et proposition d’usage en indexationFramatome
CR de réunion automatique avec actions décidées et responsablesAmallte
CapitalisationUtilisation du modèle de langage Mistral pour les activités de recherche / apprentissage sur des domaines spécifiquesAriane Group
DiffusionRAG : Moteur de recherche de type Question/Réponse incluant des synthèses, des traductions, des rédactions de mail…Framatome
Gouvernance  
Leviers KMPersonnel / CultureSynthèse des retours utilisateurs de CoPilotFramatome
Gestion des contenusAide au classement des contenus, génération de métadonnées, de taxonomies, d’ontologies..Framatome
ProcessusSynthèse automatique de retours d’expérience de projets passés, à intégrer dans le processus de gestion de projetFramatome
Technologie(IA Gen, bien sûr) 
GouvernanceCohérence et qualité des données d’apprentissageTous

On voit que, si on exclut les comptes-rendus automatisés de réunions de travail qui sont probablement une des premières applications de productivité de l’IA Gen, la plupart des applications d’IA Gen citées se concentrent sur l’individu plutôt que sur le collectif, et sur l’apprentissage et sur la diffusion plutôt que sur la décision.

Responsabilités nouvelles pour les Knowledge Managers ?

Le groupe de travail a conclu de son analyse que les responsables KM auront indubitablement un rôle central pour assurer la qualité des applications d’IA Gen, car si l’IA Gen apportera une aide considérable pour :

  • améliorer la structuration et la qualité des contenus de connaissance,
  • faciliter la recherche et la récupération de savoirs existants,
  • automatiser la capitalisation des connaissances des experts,​
  • proposer des parcours d’apprentissage personnalisés.

elle suscitera aussi de nouveaux sujets de gouvernance pour assurer un contrôle permanent de la qualité des données d’entrée et des connaissances générées par l’IA Gen.​ Et gérer les risques liés à l’utilisation de l’IAG, tout particulièrement lorsque les utilisateurs ne maîtrisent pas le sujet.​

De nouvelles politiques et procédures seront donc nécessaires pour guider l’utilisation de l’IA Gen pour la gestion des connaissances. Il faudra notamment s’assurer que la production d’objets de connaissance sera validée par des facilitateurs rompus aux méthodes de REX et de production de « bonnes pratiques », et que les producteurs de savoir seront formés aux bonnes pratiques de rédaction et de classification.

Les responsables de bases de connaissances devront, encore plus que par le passé :

  • retirer les doublons et les documents obsolètes : nettoyage du vrac numérique, archivage de certains docs, destruction d’autres​
  • revoir les droits d’accès pour ouvrir par défaut, et ne restreindre que ce qui est nécessaire de protéger​

Et les responsables KM devront savoir :

  • normaliser le vocabulaire, les conventions de nommage des fichiers, l’ontologie​
  • mettre en place des processus de mise à jour du contenu au fil de l’eau : via les communautés, les équipes projet, etc.​
  • publier des règles et des bonnes pratiques à destination des knowledge workers et des knowledge owners ​
  • utiliser eux-mêmes l’IA Gen. pour aider à l’indexation des documents sur des plans de classement normalisés.

DATE: Sep 30, 2024
AUTHOR: MartinRD
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Les métriques du KM

Evènements

1-Le problème de fond

Les métriques associées à la maîtrise du savoir dans une organisation sont difficiles à établir, car, comme pour un individu, les connaissances ont pour objectif ultime la survie. Elles permettent de mieux faire face aux imprévus, de prendre de meilleures décisions, de choisir des voies d’avenir radieux.

Pour les personnes, la maîtrise des connaissances s’évalue par l’intermédiaire d’un jury de sachants, eux-mêmes reconnus par leurs pairs, le plus souvent sous la forme d’un examen de passage où « ça passe ou ça casse ». Pour les collectifs, c’est à peu près la même chose : la maîtrise du savoir se constate lors de « moments de vérité » où les résultats obtenus par le groupe sont comparés à ceux obtenus par d’autres, et donnent lieu à une décision de la part d’un jury extérieur, qui, dans le cas d’une entreprise, est le plus souvent le client, mais parfois aussi un organisme réglementaire.

Le problème de fond, c’est que l’acquisition de connaissances demande du travail et prend du temps, et encore plus lorsqu’il s’agit d’un collectif. Le progrès se mesure alors sur le temps long, et par des approches statistiques. L’approche par le retour sur investissement se révèle le plus souvent inadaptée, car on ne mesure pas la qualité d’une école au retour sur investissement des frais de scolarité, mais bien à ses résultats statistiques aux examens. Dès lors, les responsables de programmes KM en entreprise se trouvent confrontés au problème terrifiant de prouver la valeur ajoutée des dépenses qu’ils engendrent, en essayant d’éviter de se faire enfermer par les contrôleurs de gestion dans une logique inappropriée de retour sur investissement à court ou moyen terme. C’est pourquoi les programmes de KM sont le plus souvent décidés par des membres du comité de direction, parfois par le P-DG lui-même, suivant une logique de bon sens et non d’orthodoxie financière. La conséquence est que ces programmes KM sont fragiles, régulièrement remis en question, voire abandonnés lors des passations de pouvoir, car les successeurs commencent quasiment systématiquement leur mandat par une analyse critique des dépenses, et surtout celles déclarées « non productives ». Cela explique aussi pourquoi les meilleurs programmes de KM sont mis en œuvre par des sociétés en croissance forte, et dont l’actionnariat et l’équipe de direction sont stables.

Cette note a pour objet de proposer des approches de résolution de ce problème de fond.

2- Les métriques fondamentales du KM

2.1 – Identifier les « moments de vérité »

Les programmes de KM sont souvent initiés par des considérations générales sur la nécessité d’apprendre des expériences du passé et de « ne pas réinventer la roue ». Ces considérations, certes de bon sens, sont trop vagues et insuffisamment fédératrices. Certes, on envoie ses enfants à l’école pour qu’ils apprennent et « ne réinventent pas la roue », mais surtout pour qu’ils passent leur bac. Il faut donc pouvoir rattacher le programme KM à un ou plusieurs objectifs centrés sur des « moments de vérité » où la maîtrise des connaissances critiques peut se manifester de façon binaire, par exemple :

  • La remise d’une proposition commerciale : on la gagne ou on la perd
  • La remise d’une étude : elle est acceptée ou pas.
  • L’atteinte d’un jalon : on l’a atteint dans les temps et dans le budget prévu, ou on dérape.
  • La fin d’un projet : il est plus ou moins profitable que ce qui était prévu à son lancement.

A la base, il y a donc toujours une mesure d’écart entre une prévision et une réalité. Il n’y a pas de programme KM dans la durée s’il n’est pas fondé sur ce principe. La dérivée moyenne de cet écart mesuré devient alors la mesure ultime de la pertinence d’un programme KM.

2.2- Focaliser le programme KM sur ce qui est important

Tout programme KM sérieux est cher, car transférer, partager, expliciter, stocker et diffuser des connaissances, cela prend du temps, quand bien même les outils dont on dispose pour le faire sont de plus en plus efficaces. Il convient donc de se focaliser sur une population cible d’utilisateurs éventuels de ces connaissances, et de laisser tomber les autres[1]. Il convient aussi d’identifier l’ensemble des connaissances critiques dont cette population-cible a besoin pour faire son travail, et de focaliser l’attention sur les contenus qui véhiculent ces connaissances critiques.

Une façon d’aider à focaliser l’attention sur ce qui est important est d’identifier les échecs du passé que l’on ne veut plus voir se reproduire. Les meilleurs programmes de KM se fondent sur l’idée d’un « plus jamais ça » qui permet de fixer l’attention sur des choses importantes qui peuvent mettre en danger l’existence-même de l’organisation. On revient alors aux fondamentaux du KM, qui ne vise pas tant l’efficacité que la survie.

2.3- Remonter la chaine des causalités

Une fois que l’on sait ce que l’on cherche à obtenir, on peut alors remonter la chaine des causalités : les activités de KM créent des connaissances, ces connaissances sont explicitées en contenus de différentes formes (méthodes, outils, logiciels, tutoriels, fiches, annuaires…), ces contenus sont réutilisés, et cette réutilisation permet d’obtenir des résultats mesurables par l’écart entre ce qui était planifié et ce qui a été réalisé.

On peut alors établir la liste des activités KM pertinentes qui contribuent à l’obtention de ce résultat, et mettre en place des métriques intermédiaires sur la réalisation de ces activités, sur les contenus produits, sur leur réutilisation, sur le jugement porté sur ces contenus par leurs utilisateurs, et sur l’usage qui en a été fait.

Et comme le lien entre ces activités et le résultat obtenu n’est ni direct ni systématique, il faut pouvoir illustrer les succès ponctuels obtenus par ce biais par des histoires (« storytelling ») qui racontent, du point de vue d’une personne qui a pu mobiliser des connaissances critiques de l’organisation, comment le succès a été obtenu. Faire circuler ces histoires au sein de l’organisation permet de crédibiliser la démarche le temps que se mettent en place des métriques statistiques convaincantes.

3- Les métriques dérivées

Comme évoqué plus haut, cela prend plusieurs années, et parfois de décennies pour apporter la preuve quantitative de la pertinence des investissements en activités et outils de KM au moyen des métriques fondamentales exprimées ci-dessus, de la même façon que la valeur d’une nouvelle école ou d’une nouvelle université ne peut pas être prouvée avant de nombreuses années d’existence. Il existe néanmoins deux types de métriques dérivées, qui n’apportent pas de preuves tangibles, mais qui sont néanmoins puissantes pour lutter contre les « cost killers ».

3.1- Les enquêtes d’opinion

La première métrique utile est la métrique de Kirkpatrick utilisée pour les programmes de formation. Elle consiste d’abord à obtenir un retour de la population-cible du programme KM sur l’accès à la connaissance collective de l’organisation, à travers différents types d’enquêtes :

  • Les enquêtes ponctuelles relatives à un dispositif particulier du programme de KM : que pensent les participants d’une réunion de partage d’expérience avec un expert de l’organisation ? la participation aux activités d’une communauté de pratique dont ils sont membres leur est-elle utile ? les articles qu’ils consultent sur le wiki d’entreprise sont-ils bien rédigés ? etc.
  • Les enquêtes de témoignage auprès de ces mêmes personnes pour savoir s’ils mettent en œuvre ce qu’ils ont appris à travers divers dispositifs du programme KM
  • Les enquêtes auprès des hiérarchiques relatives à l’amélioration des compétences de leurs subordonnés du fait de leur participation à ces activités.

La seconde métrique est plus globale et se fonde sur les enquêtes annuelles d’engagement des collaborateurs du fait de la considération qu’on leur témoigne en leur donnant accès aux connaissances nécessaires pour leur travail, et en leur donnant des perspectives d’évolution par leur montée en compétences.

Cette seconde métrique est actuellement peu utilisée en relation avec les initiatives de KM, et pourtant il suffit d’interroger les démissionnaires d’une organisation pour constater que la cause de leur départ est le plus souvent le manque de considération. Le salaire insuffisant est souvent mis en avant comme cause principale, mais il y en a beaucoup d’autres qui sont fortement reliés au système de KM en place : je m’ennuie ; je ne vois pas de perspective de carrière ; je n’apprends pas grand-chose ; je suis accaparé par l’administratif ; on ne me fait pas confiance ; mes opinions n’intéressent personne…

Les enquêtes sur l’engagement des collaborateurs est donc une métrique très utile pour évaluer le système de KM en place dans l’organisation, pourvu qu’un grand nombre de questions posées portent sur l’accès au savoir, à l’entraide, à la montée en compétences, à la qualité des outils…

3.2 – Le degré de conformité par rapport à une norme

La conformité à une norme ou un standard validé par la direction générale est un bon exutoire pour la mise en place d’un système de KM. On s’appuie alors sur un ensemble de documents normatifs qui décrivent le bon fonctionnement d’un système de KM, et on tente de s’y conformer.

Il existe des normes internationales relatives au KM, dont la plus connue est la norme ISO 30401 publiée en 2018. L’adoption d’une telle norme peut être une décision de la direction générale d’une entreprise, mais elle est le plus souvent imposée de l’extérieur, par des grands clients, par des syndicats professionnels ou même par l’Etat. Actuellement, la norme ISO 30401 est mise en œuvre surtout au Moyen-Orient et en Asie, et a peu d’adeptes en Europe, mais il est probable que cela change.

Le rôle d’une équipe KM est alors de traduire la norme en documents de politique d’entreprise et de mettre en place les processus et les outils qui permettront à l’organisation d’être en conformité par rapport à cette norme.  

En l’absence de norme externe reconnue au sein d’une même industrie, certaines entreprises tentent de se doter de standards internes qui remplissent le même rôle. On documente les processus de travail actuels ; on organise un débat critique sur les améliorations à y apporter pour mieux s’inspirer des connaissances de l’organisation et pour mieux capitaliser les enseignements issus de l’expérience et recherchant la simplification afin de ne pas imposer trop de travail supplémentaire; on teste le processus amélioré sur des cas concrets pour vérifier sa faisabilité ; on l’officialise en introduisant des métriques de conformité ; on fixe des objectifs ; on mesure. Incidemment, la création d’un nouveau standard interne peut être gérée en mode projet.

Cette dernière approche a des avantages et des inconvénients. L’avantage principal, c’est qu’elle repose sur une collaboration entre les acteurs de ces différents processus, qui définissent ensemble les bonnes pratiques à adopter à partir de leur expérience personnelle, ce qui facilite la mise en œuvre et l’adoption du standard. Les inconvénients principaux, c’est que le standard interne peut être remis en question à tout instant par un manager qui voudra simplifier, réduire les coûts et gagner en efficacité, que les conséquences éventuellement néfastes de ces modifications ne se feront sentir que beaucoup plus tard, et que la focalisation sur une simple mise en conformité peut faire oublier l’objectif premier d’une politique de KM, à savoir réduire l’écart entre une prévision et une réalité, mesuré à l’occasion des « moments de vérité » définis plus haut.

3.3- Les métriques de projet

Une dernière métrique simple pour toute initiative de KM, qu’il s’agisse du déploiement d’un moteur de recherche, du traitement des retours d’expérience ou de la création d’une communauté de pratique est la métrique projet. Dès lors qu’une proposition d’initiative de KM a été acceptée et peut se décrire par une équipe de mise en œuvre, des livrables, un planning et un budget, la logique de management de projet s’impose, et les métriques deviennent très classiques : respect des livrables, des coûts et des délais.

4- Conclusion : il faut savoir jongler

La conclusion que l’on peut tirer de cette analyse, c’est qu’un responsable de programme KM doit savoir s’appuyer sur des métriques diverses combinant les attentes de l’organisation et celles des collaborateurs

Au départ, pour satisfaire les attentes de l’organisation, il doit vraiment relier l’objectif assigné au système de KM à ces « moments de vérité » où la qualité de ce système se manifestera par la capacité de l’organisation à prévoir ce qui va se passer, et donc élaborer des métriques d’écart entre les prévisions et la réalité. Ces métriques doivent être mises en place dès le départ, même si elles ne « parleront » qu’au bout de plusieurs années.

Et comme il faudra du temps avant que ces métriques manifestent les progrès accomplis, il doit bâtir la confiance du management par des métriques intermédiaires plus classiques :

  • qualité des livrables et respect des délais pour les « projets KM »
  • métriques de conformité subséquentes, lorsque ces livrables KM sont de nouveaux standards internes,
  • bonnes histoires de succès remportés lors des moments de vérité grâce au système de KM mis en place

Et pour satisfaire les attentes des collaborateurs dans la population ciblée par le système de KM, il doit élaborer dès le départ -avec l’aide de l’équipe RH- une enquête annuelle de mesure de l’engagement des collaborateurs au sein de cette population cible, par le biais de questions portant sur la qualité des modes d’accès et de contribution aux connaissances de l’organisation.

Et comme il faudra là aussi du temps avant que l’engagement des collaborateurs ne se traduise en courbe ascendante, il doit bâtir leur confiance par des métriques intermédiaires plus classiques :

  • Feedback des participants aux événements de transfert de connaissances organisés ou soutenus par l’équipe KM
  • Qualité de l’expérience des collaborateurs en tant que membres de communautés de pratique
  • Métrique d’usage des outils et plateformes numériques du système KM

[1] Cf « Lean Knowledge Management: How NASA Implemented a Practical KM Program” –

Roger FORSGREN


DATE: Mai 22, 2024
AUTHOR: MartinRD

KM et transition écologique : similitudes et complémentarités

Evènements

KM et transition écologique : similitudes et complémentarités

On a tendance à oublier que parmi les premiers promoteurs du KM figuraient des organisations recherchant des solutions durables pour le développement économique des pays pauvres. C’était notamment le cas de la Banque Mondiale, dont le premier Chief Knowledge Officer, Steve Denning, fut un des premiers grands promoteurs du KM, et ardent défenseur du « storytelling » en tant que bonne pratique de KM.

Les entreprises ont une conception du KM au service de la performance opérationnelle et dans une moindre mesure de la maîtrise des risques. Le concept de retour sur investissement y règne en maître, et il oriente les activités de KM vers le gain de temps : le système KM doit permettre de réaliser des tâches plus rapidement, et accessoirement sans se tromper. Il est centré sur les collaborateurs et sur les clients, et son horizon est à court ou moyen terme. Les organisations centrées sur l’aide au développement et sur la promotion d’une économie plus responsable et protectrice de l’environnement ont un horizon beaucoup plus lointain, et implique un plus grand nombre d’acteurs : les pouvoirs publics, les médias, le système éducatif, les porteurs de projets, les populations locales…

Alors que la lutte contre le dérèglement climatique et la protection des écosystèmes devient un sujet majeur pour l’humanité, on peut se demander si les entreprises n’auraient pas à apprendre des pratiques KM des organisations qui œuvrent pour le développement durable, et de façon symétrique si les meilleures pratiques de KM des entreprises ne pourraient pas inspirer les initiatives en faveur de l’environnement et de la transition énergétique.

Commençons par tenter de comprendre les similitudes et les différences.

Les similitudes

Quel que soit l’objectif mesurable poursuivi par la mise en place d’un système de KM, son principe fondateur est celui d’organisation apprenante : faire en sorte que tout ce qu’on apprend à titre individuel dans l’exercice de ses fonctions soit partagé avec d’autres et devienne un savoir de l’organisation dans son ensemble. Et cela passe par les mêmes étapes du cycle de la connaissance : l’acquisition, via la formation, les échanges ou l’expérience ; le partage, via les équipes, les départements ou les communautés ; l’explicitation sous forme de données, de documents, d’images ou de codes informatiques ; le stockage dans des bibliothèques en ligne, des bases de connaissances ou des bases de données ; et enfin la diffusion via les plateformes, les moteurs de recherche et l’IA.

La mise en place d’un système de KM est de ce fait un projet fondamentalement culturel, qui s’appuie sur des communautés et des portails de savoirs. La clé du succès est toujours dans la notion d’engagement. Il n’y a pas de KM efficace dans les organisations qui n’accordent pas d’importance à l’adhésion forte de toutes les personnes impliquées au projet porté par l’organisation.

Les principes de base sont donc les mêmes quelle que soit l’organisation.

Les différences

La première différence réside dans la structuration-même des parties prenantes. Dans une entreprise, les missions et rôles des collaborateurs sont clairs et ils sont au service d’un objectif simple : satisfaire le client. Les équipes projet produisent des livrables, les managers décident et allouent les ressources, les communautés partagent les connaissances, et le juge ultime de l’efficacité du système est incarné par le client, qui s’exprime sur les coûts, la qualité et le délai. Et au centre du dispositif, il y a le P-DG, garant de la culture d’entreprise.

Dans une initiative de développement durable, de transition énergétique ou de protection de l’environnement, il n’y a pas de centre ; il y a une grande diversité de parties prenantes, et appartenant à des mondes différents : éducation, économie, industrie, environnement, médias, et bien sûr politique. Ainsi, pour parvenir à une prise de décision et à la mise en œuvre de l’action, il faut pouvoir

  • Mettre en place un processus à long terme de renforcement des capacités des représentants du gouvernement au niveau national et au niveau local, ainsi que les jeunes, les journalistes et le grand public, pour leur faire prendre conscience des principes fondamentaux, des concepts et des réponses potentielles ;
  • Établir des relations de partenariats avec des alliés essentiels, y compris dans les ministères et parlements, qui pourrait défendre certaines positions et soutenir leur mise en œuvre;
  • Susciter l’engagement participatif des parties prenantes en utilisant des outils interactifs pour produire une compréhension plus approfondie des risques, des défis et des besoins et des réponses.

Ce contexte particulier donne aux initiatives de KM une coloration « démocratique » particulière :

  • Le copié/collé de ce qu’on a fait ailleurs le plus souvent ne marche pas bien. Il faut seulement savoir s’en inspirer pour coconstruire un bien commun unique qui réponde aux attentes des parties prenantes ;
  • En l’absence de décideur central, les communautés jouent un rôle fondateur dans la mise en place des stratégies de changement social et comportemental ;
  • La combinaison des connaissances de personnes très différentes par leurs origines et leur culture – connaissances scientifiques générales et communautaires locales – devient centrale dans la démarche KM. Il faut beaucoup miser sur les techniques de facilitation maïeutique et d’explicitation pour aider les personnes à s’engager dans leur réflexion et leur pratique et encourager la pleine participation et la responsabilité partagée.

Ce qui peut inspirer les entreprises

Multiplier les événements de rencontre et de formation

Dans les entreprises, la formation est considérée comme une activité nécessaire mais non productive, et elle a lieu dans environnements dédiés et distincts du lieu de travail. Dans les initiatives de développement, la formation est une activité permanente qui suscite beaucoup de rencontres formelles et informelles : séminaires, conventions, « learning events »

Mettre en place des communautés à plusieurs niveaux

Dans les entreprises, les communautés mises en place pour partager les connaissances sont internes, et surtout du type communauté de pratique. Les communautés externes, lorsqu’elles existent, sont des communautés de clients qui permettent de faire remonter des insatisfactions et des besoins nouveaux.

Il est plus rare qu’on bâtissent des communautés impliquant toutes les parties prenantes d’un projet d’implantation locale, et encore plus rare qu’on bâtissent des communautés thématiques transverses pour faire circuler des connaissances que tous les partenaires de l’entreprise doivent s’approprier.

On sait qu’il y a une tension forte au sein des entreprises entre le désir de partager avec ses partenaires pour mieux travailler ensemble, et celui de ne pas voir sa propriété intellectuelle pillée par un concurrent. La position dominante aujourd’hui est celle de la protection de la propriété intellectuelle, mais bien souvent, il est plus profitable de mettre en commun des connaissances avec d’autres pour élaborer des standards partagés, et le monde du logiciel nous montre qu’il existe bien des moyens de partager en gardant la maîtrise des joyaux de la couronne.

Documenter les REX locaux via la facilitation d’ateliers d’explicitation

Les initiatives de développement fourmillent de techniques de facilitation de groupe en vue de faire circuler les connaissances : entretiens ciblés, enquêtes, focus groups

Storytelling, appreciative inquiry, outcome mapping, knowledge cafés, open space… Ces techniques sont relativement peu usitées dans les entreprises, mais peuvent s’avérer puissantes pour débloquer des situations complexes.

Inciter à apprendre en permanence

Les projets de développement sont précédés d’une intense recherche documentaire, et de réunions de préparation en vue d’en examiner toutes les facettes. Au cours du déroulement des projets, les réunions de débriefing et les interventions d’experts sont chose courante. Enfin ces projets donnent lieu à des retours d’expérience et à de nombreuses communications en vue de les faire connaître et d’inciter d’autres initiatives à s’en inspirer.

Bien que les projets menés par les entreprises soient plus répétitifs, ces techniques d’apprentissage de terrain peuvent se révéler utiles et inspirantes.

Adopter une typologie très diverse de contenus de savoir

Lorsqu’on s’intéresse à la production documentaire des initiatives de type développement durable, on est frappé par son abondance et sa diversité : rapports annuels, livres, modules e-Learning, rapports d’activité par initiative / projet, notes de politique générale, rapports d’études, outils et guides pour les intervenants, rapports d’évaluation, publications scientifiques…Chaque type de document a un objet précis et une audience ciblée afin d’en faciliter la recherche et la réutilisation ultérieure.

Dans les entreprises, on mise beaucoup plus sur la circulation des connaissances tacites par le biais des rencontres et du dialogue au quotidien. C’est sans doute la meilleure approche dès lors qu’on y recrute des jeunes qui font carrière au sein de l’entreprise. Mais si la tendance actuelle de mobilité accrue des collaborateurs se confirme, alors la nécessité d’expliciter sous différentes formes les connaissances acquises se fera sentir.

Introduire des métriques d’apprentissage

Les entreprises sont pilotées via des indicateurs de performance de ses activités, et au bout du compte par des indicateurs financiers de revenus et de coûts, ce qui concentre son attention sur ce qui va se passer entre demain matin et un horizon de 5 ans. Pour un projet de développement, un tel horizon est trop court, et il faut donc trouver des métriques de progrès ayant un horizon plus lointain. Une des métriques fréquemment utilisées porte précisément sur l’apprentissage : est-ce que les participants acquièrent des connaissances et les traduisent en modes d’organisation et en actions ? De telles métriques existent, comme le Learning Maturity Model.

Ce qui peut inspirer les porteurs d’initiatives de développement durables et protectrices de l’environnement

Comme on l’a vu plus haut, les entreprises ont l’avantage de disposer d’une structure d’organisation pyramidale à partir d’un comité de direction restreint. Elles ont aussi l’avantage d’être souvent plus riches, et plus disposées à investir dans des outils numériques. Pour les activités de KM, cela se traduit par la mise en place d’une diversité d’outils numériques avec une gouvernance centrale qui permet d’urbaniser le système de KM, de limiter son entropie et de maintenir sa cohérence.

Ainsi, les systèmes de KM des entreprises sont humainement moins sophistiqués que ceux des organisations de développement, mais techniquement plus élaborés et plus intégrés. Il est en général beaucoup plus facile de trouver les informations et les connaissances dont on a besoin pour effectuer une tâche lorsqu’on est dans une entreprise que lorsqu’on est l’un des acteurs d’un projet de développement.

Parmi les bonnes pratiques d’entreprise qui pourraient inspirer les acteurs du développement, on peut citer par exemple :

Alléger les modes d’engagement

  • Elaborer des modes intermédiaires d’engagement moins chronophages que la participation active à des projets,
  • Récompenser l’engagement par un statut particulier dans les communautés

Structurer les bases de connaissance

  • Adopter des politiques éditoriales claires avec un responsable pour chaque base de connaissances, avec un modèle de données (ontologie) standardisé
  • Disposer d’un vrai annuaire des membres et parties prenantes, avec des droits d’accès évolutifs en fonction du niveau d’engagement. 
  • Créer une base de données temps réel des projets menés à travers l’initiative: livre de bord, blogs, fiches de synthèse pour chaque projet

Intégrer les outils numériques

  • Intégrer les outils numériques du KM en un système unique et ainsi éviter la galaxie d’applications indépendantes et mal reliées les unes aux autres
  • Mettre en place des applications avancées de recherche sémantiques et d’IA.

En synthèse

Les systèmes de KM des entreprises et des organisations travaillant aux différentes formes d’initiatives de transition écologique sont à bien des égards complémentaires, les premiers étant bâtis sur l’intégration technologique et l’atteinte des objectifs de l’entreprise, et les seconds sur l’intermédiation humaine et l’engagement.

Certaines grandes entreprises ont su combiner les deux approches. On peut citer en particulier le cas d’AFCONS en Inde, qui vient de remporter le MIKE Award (Most Innovative Knowledge Enterprise) et dont le système de KM a pour objectif « business » de l’aider à tenir ses engagements vis-à-vis de ses clients et pour objectif « humain » de susciter un fort engagement de ses collaborateurs. Ce sont deux objectifs complémentaires, qu’AFCONS a eu l’intelligence de considérer comme distincts


DATE: Avr 15, 2024
AUTHOR: MartinRD

Comment créer une stratégie de Communication Knowledge Management Impactante

Evènements

Durant l’année 2023, plusieurs membres de CoP-1 ont exploré la thématique et l’impact de la Communication autour du Knowledge Management.

Ce groupe de travail a voulu aborder le sujet autour de la dénomination suivante: Communiquer sur, avec et par le KM.  L’étude aborde la Communication Interne comme Externe.

1) Cadrage du Sujet

Ce sujet démarre par un constat d’une enquête publiée en 1999 par Kevin J. O’Sullivans « Creating and executing an internal communciation plan for Knowledge Management Systems deployments. »

 

Bien que cette étude mériterait d’être réalisée à nouveau, elle n’empêche pas un constat partagé entre les membres de l’association: souvent les gens ne comprennent pas ce que c’est le KM et c’est l’un des plus grand frein à l’implémentation d’une démarche de Knowledge Management.

Ors, selon le Knowledge Manager Handbook, Le KM est un agent de la culture du changement et il en faut donc un plan de Communication associé.

Au delà de la nécessite d’un plan de communication, le Groupe de travail prône plutôt une Stratégie de Communication qui apporte donc une approche plus complète.

L’idée serait donc de se baser d’abord sur une cartographie de la compréhension du KM au sein de l’Organisation, puis de trouver les canaux où on peut être efficace et enfin communiquer sur les Success Stories. 

2) Comment Communiquer ? 

L’approche du groupe de travail et des membres de CoP-1 est de changer de paradigme: « Passer de l’écureuil à la communauté de Suricates » (ndlr: écureuil cache ses provisions les suricates fonctionnent en communauté et en alerte, pas tout le temps les mêmes qui sont en alerte mais on fonctionne en collectif).

Outre cette approche par métaphore qui a eu du succès dans certaines organisation, il faut arriver à faire comprendre aux employés l’approche de confiance et de partage afin d’arriver à une structure collective et communautaire, afin de faire vraiment passer « knowledge is mine » et de la préservation de son savoir-faire à l’intérêt du partage et du collectif. 

Suite à différents partage de succès stories au sein des différentes organisations des membres CoP-1, nous avons souhaité vous partager quelques méthodes qui ont déjà fait leur preuve dans différentes stratégies de Communication KM:

️️🗺️ Cartographier la compréhension du KM au sein des différentes organisations pour utiliser des canaux et des outils de communication adéquats. 

🎯 Adapter le discours sur la démarche KM aux différents métiers et niveaux hiérarchiques. 

🖼️ L’utilisation de métaphores, par exemple le passage du mode écureuil (individualiste) au mode suricate (collectif). 

🗣️ Le pouvoir du phénomène « bouche-à-oreille » et l’utilisation de champions avec une légitimité et influence déjà établies, par exemple rendre service aux experts comme catalyseur pour un partage spontané. 

📺 Donner la vedette aux experts pour raconter son histoire devant une audience ample, par exemple en reproduisant le format TEDx ou via des formats différents comme « Pitch your journey in 3min » ou encore en réalisant des formats stimulant comme une BD.

🎮 Des jeux sérieux pour rendre l’expérience de partage plus incitante ou encore des concours et d’autres mécanismes de gamification. 

↔️ Des parcours d’intégration pour les nouveaux arrivants, en combinant une dimension de connaissances avec une dimension sociale. 

💹 Un système de mesure de la maturité KM par organisation. 

Conclusion

Suite à nos échanges à la suite de cette présentation, nous pouvons convenir que chaque Stratégie de Communication doit s’adapter à l’Organisation et la maturité que le KM représente dans son organisation et sa culture.

Par ailleurs elle doit également suivre une démarche d’accompagnement au changement à l’aide d’outils efficaces mentionnés en seconde partie:

Phase de Sensibilisation > Phase d’Appropriation > Phase d’Expérimentation > Phase d’Ancrage.

Il faut faire vivre le KM à tous les niveaux mais surtout en utilisant les canaux de Communication existant.

Une bonne stratégie de Communication est un sujet clé pour le Knowledge Management car elle permet d’encrer le KM dans la culture et les habitudes des salariés. Cette communication doit être maintenue dans le temps pour s’assurer de l’appropriation des éléments clés du KM dans les habitudes et la culture de chaque salarié.

Cet article est terminé, nous vous donnons RDV sur LinkedIn et sur ce site pour de nouvelles réflexions autour du Knowledge Management.


DATE: Mar 28, 2024
AUTHOR: Arnaud Goutagneux